Directive n° 06/11-UEAC-190-CM-22 relative au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques
06/11-UEAC-190-CM-22 - 19/12/2011 >
Directive n° 06/11-UEAC-190-CM-22 relative au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques
LE CONSEIL DES MINISTRES
Vu le Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 16 mars 1994 et ses Additifs en date du 5 juillet 1996 et 25 avril 2007 ;
Vu la Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC) et notamment son article 54 prescrivant l'harmonisation des législations budgétaires, des comptabilités nationales et des données macroéconomiques des Etats membres ;
Vu la Directive n° 05/10-UEAC-190-CM-21 du 28 octobre 2010 portant création, attribution et fonctionnement du Comité d'Experts en gestion des finances publiques ;
Vu les comptes rendus des travaux du Comité d'Experts en gestion des finances publiques respectivement du 25 février 2011 et du 29 avril 2011 ;
Soucieux de donner un signal solennel d'engagement de transparence des Etats membres à l'égard de la population, des investisseurs et des partenaires au développement ;
Désireux d'adopter des principes fondamentaux de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques conformes aux standards internationaux ;
Sur proposition de la Commission de la CEMAC ;
Après avis du Comité lnter-Etats ;
En sa séance du 19 DEC, 2011 ;
ADOPTE :
LA DIRECTIVE DONT LA TENEUR SUIT :
Article 1er : Est adopté le « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques » au sein de la CEMAC, ci-joint en annexe qui en fait partie intégrante.
Article 2 : En application de ce code, seront préparées et adoptées les directives suivantes :
- une directive sur les Lois de Finances ;
- une directive sur le Règlement Général de la Comptabilité Publique ;
- une directive sur le Plan Comptable de l'Etat ;
- une directive sur la Nomenclature Budgétaire de l'Etat ;
- une directive sur le Tableau des Opérations Financières de l'Etat.
Article 3 : Toutes les directives de la CEMAC et toutes les législations et réglementations nationales des Etats membres postérieures à la présente directive et touchant, directement ou indirectement, à la gestion des finances publiques devront être préparées et adoptées dans le respect des principes et règles définies par ce code.
Article 4 : La présente Directive, qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de la Communauté et, à la diligence des autorités nationales, aux Journaux Officiels des Etats membres.
BRAZZAVILLE, le 19 Décembre 2011
LE PRESIDENT
Pierre MOUSSA
ANNEXE
« CODE DE TRANSPARENCE ET DE BONNE GOUVERNANCE DANS LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »
DESETATS DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE
Le présent « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques », définit les principes et obligations que les Etats membres doivent respecter, dans leur législation comme dans leurs pratiques, aussi bien pour la gestion des fonds de l'Etat et celle des autres administrations publiques que pour les fonds de l'assistance extérieure, accordés par les institutions internationales ou les états étrangers.
Section I : LEGALITE ET PUBLICITE DES OPERATIONS FINANCIERES PUBLIQUES
1. Les règles relatives à l'assiette, au taux et au recouvrement des impositions de toute nature sont définies par la loi de finances. Les textes relatifs à la fiscalité sont facilement lisibles par le contribuable. Une information large, régulière et approfondie sur la fiscalité et ses évolutions est faite au bénéfice de l'ensemble des contribuables.
2. Aucune dépense publique ne peut être engagée et payée si, d'une part, elle n'est préalablement définie dans un texte, législatif ou réglementaire régulièrement publié et, d'autre part, autorisée par une loi de finances. L'administration fixe de façon explicite les règles et critères qu'elle suit dans l'attribution des aides, subventions et transferts au bénéfice de toute personne privée. Ces règles sont rendues publiques.
3. La réglementation applicable aux marchés publics et délégations de service public est conforme au présent « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques » ainsi qu'aux principes, règles et pratiques internationalement reconnus.
4. Les ventes de biens publics sont régulièrement portées à la connaissance du public et sont ouvertes à tous sans discrimination. Les transactions importantes font l'objet d'une information spécifique.
5. Les contrats entre l'administration et les entreprises, publiques ou privées, notamment les entreprises d'exploitation de ressources naturelles et les entreprises exploitant des concessions de service public, sont clairs et mis à la disposition du public. Ces principes valent tant pour la procédure d'attribution du contrat que pour son contenu. Ces contrats sont régulièrement contrôlés par la Cour des Comptes et par les commissions parlementaires compétentes. L'implication du Gouvernement dans le secteur privé doit être menée dans la transparence et sur la base des règles et procédures non-discriminatoires.
6. Toute concession de droit d'utilisation ou d'exploitation d'actifs publics ainsi que les partenariats public-privés, s'appuient sur des bases juridiques formelles et explicites.
7. Les relations entre l'administration publique et les entreprises publiques ou autres entités publiques sont régies par des dispositions claires et accessibles au public.
8. Lorsque les décisions gouvernementales sont susceptibles d'avoir un impact financier, un chiffrage de l'impact budgétaire complet de ces décisions, en recettes comme en dépenses, est rendu public.
9. Aucun financement de dépense publique par une organisation internationale ou un Etat étranger ne peut être mis en place sans une information préalable du ministre chargé des finances.
Section II : ATTRIBUTIONS ET RESPONSABILITES DES INSTITUTIONS
1. La répartition des compétences, des charges et des ressources publiques entre les différents niveaux d'administration publique, et les relations financières qu'ils entretiennent entre eux, sont clairement définies et font régulièrement l'objet d'une information globale, claire et cohérente.
2. Les compétences et responsabilités respectives du Gouvernement et du Parlement en matière de conduite de la politique budgétaire, de choix des dépenses et des recettes publiques ainsi qu'en matière d'exécution et de contrô1e budgétaire, sont clairement définies en application de la Constitution.
3. Le Parlement est appelé à délibérer chaque année sur le projet de budget de l'Etat et sur son exécution. Les parlementaires disposent d'un droit d'information et de communication sans réserve sur tous les aspects relatifs à la gestion des deniers publics.
4. Est établi et rendu public un calendrier budgétaire annuel de préparation du budget de l'Etat.
Ce calendrier prévoit notamment, dans un délai raisonnable précédent le dépôt des projets de loi de finances, la publication par le Gouvernement d'un rapport sur ses hypothèses économiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme ainsi que ses principaux choix fiscaux et les principaux risques budgétaires pour l'année à venir. Ce rapport fait l'objet d'un débat au Parlement.
5. A l'intérieur du Gouvernement, le rôle et les responsabilités respectives du ministre chargé des finances, des autres ministres et du chef du Gouvernement sont clairement définis. Les grandes options de politique budgétaire sont débattues collégialement par le Gouvernement.
Une fois les décisions prises sous l'autorité du chef de l'Exécutif, elles s'imposent à tous les Ministres.
6. Les budgets et comptes des institutions et organes constitutionnels sont établis et gérés dans les mêmes conditions de transparence, de sincérité et de contrôle que celles qui sont définies par le présent « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques » pour l'ensemble des administrations publiques.
7. Les juridictions compétentes pour statuer sur les litiges et contentieux en matière de recettes fiscales et non fiscales, en matière de dépenses, de financement, de gestion domaniale, de marchés publics et de délégation de service public sont clairement identifiées.
8. Les principes ci-dessus sont transposés au plan local, avec les adaptations nécessaires, pour déterminer en matière de finances publiques, les pouvoirs respectifs des exécutifs locaux et des assemblées délibérantes, ainsi que la procédure budgétaire locale.
9. Les administrations statistiques collectent, traitent et diffusent les données et informations relatives aux finances publiques en toute indépendance par rapport aux autorités politiques. La méthodologie suivie pour l'établissement des statistiques est publiée en même temps que leur diffusion.
Section III : CADRE ECONOMIQUE
1. Le budget de l'Etat s'insère dans un cadre global de politique macroéconomique, financière et budgétaire à moyen terme couvrant l'année à venir et au mains les deux années suivantes.
Les hypothèses économiques retenues sont explicitées et justifiées ainsi que les financements attendus de l'assistance extérieure. Ces hypothèses sont, le cas échéant, comparées avec les autres projections disponibles établies par des sources compétentes et Indépendantes différentes de celles du Gouvernement.
2. Ce cadre global est cohérent avec les engagements pris en application des traités de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale et comporte toutes les informations nécessaires à l’application des dispositifs de surveillance et de convergence fixées par ces traités.
3. Le solde (déficit, équilibre ou excédent) du budget de l'Etat est présenté conformément aux principes, règles et pratiques internationalement reconnus en matière de statistiques de finances publiques. II est arrêté chaque année par la loi de finances. Le solde global consolidé prévisionnel de l'ensemble des administrations publiques, regroupant l'Etat et ses établissements publics, les collectivités locales et les organismes de protection sociale, est publié dans des documents annexes aux lois de finances.
4. Le Gouvernement publie des informations détaillées sur le niveau et la composition de son endettement, interne comme externe, de ses actifs financiers et de ses principales obligations financières, notamment les droits acquis concernant les retraites de la fonction publique, les garanties accordées aux entités publiques comme privées et les avoirs en ressources naturelles. Ces informations sont présentées conformément aux principes, règles et pratiques internationalement reconnus en matière de statistiques de finances publiques.
5. L'endettement financier consolidé de l'ensemble des administrations publiques est également publie.
Section IV : ELABORATION ET PRESENTATION DES BUDGETS PUBLICS
1. Les budgets annuels sont réalistes et sincères tant dans leurs prévisions de dépenses que de recettes. Pour le budget de l'Etat, les principaux risques budgétaires sont identifiés et évalués dans un rapport qui doit accompagner les documents budgétaires au Parlement.
2. Les budgets et les comptes, dans un souci d'exhaustivité, couvrent, pour chaque administration publique, l'ensemble des opérations budgétaires des administrations publiques. Aucune recette ne peut être affectée à une dépense prédéterminée, sauf, par exception, lorsqu'un lien économique réel existe entre une recette donnée et la dépense qu'elle finance ou, s'agissant des financements internationaux, pour respecter la volonté du bailleur de fonds.
3. Les données financières sont présentées sur une base brute, en distinguant les recettes, les dépenses et les opérations de financement et de trésorerie. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont réunies dans un même budget et la procédure de préparation et d'adoption est unique et commune à ces deux catégories de dépenses.
4. Des informations comparables à celles du budget de l'année sont fournies sur l'exécution du budget de l'année précédente. Les changements de règles et permettre de budgétisation effectués d'une année sur l'autre sont signalés de façon à pouvoir disposer de séries homogènes dans le temps.
5. A l'appui des documents budgétaires, une description des principales mesures de dépenses et de recettes est fournie, en précisant leur contribution aux objectifs de politique économique et leur cohérence avec chacune des grandes politiques publiques.
6. Chaque catégorie de dépenses est prévue et autorisée selon une nomenclature stable et claire permettant de déterminer l'autorité responsable de la gestion du crédit, la nature économique de la dépense et la politique publique à laquelle elle contribue.
7. Une comparaison des résultats et des objectifs, tant financiers que physiques, des principaux programmes budgétaires représentatifs des politiques publiques est rendue publique chaque année.
8. Le produit de toutes les sources de recettes, y compris celles liées aux activités de mise en valeur des ressources naturelles et à l’assistance extérieure, apparait de façon détaillée et justifiée dans la présentation des budgets annuels.
9. La nature et le coût budgétaire des exonérations et dérogations fiscales ainsi que les prêts, avances et garanties font l'objet d'une présentation détaillée à l'occasion de l'adoption du budget annuel.
10. Tout écart significatif entre une prévision budgétaire et le résultat effectif correspondant ainsi que toute proposition de révision de prévision et d'autorisation budgétaires font l'objet de justifications détaillées et explicites.
Section V : MISE EN OEUVRE DES RECETTES ET DES DEPENSES
1. Les modifications des budgets publics éventuellement nécessaires dans le courant de l'exercice sont présentées dans les mêmes formes que celles suivies pour le budget initial.
2. La situation de l'exécution budgétaire fait l'objet périodiquement, en cours d'année, de rapports publics.
3. Chaque étape du processus d'exécution de la dépense et de la recette est clairement définie, sans confusion, ni duplication.
4. Les contestations liées aux obligations fiscales et non fiscales sont examinées dans des délais raisonnables.
5. Les recettes et dépenses des budgets des administrations publiques sont régulièrement comptabilisées dans le respect des principes, règles et pratiques comptables internationalement reconnus.
Section VI : CONTROLE
1.Toutes les opérations relatives aux recettes, aux dépenses et au financement des budgets des administrations publiques doivent être soumises à un contrôle démocratique, juridictionnel et administratif.
2. Le contrôle démocratique est assuré par des assemblées délibérantes régulièrement élues, en particulier, s'agissant du budget de l'Etat, par le Parlement.
3. Les finances publiques et les politiques qu'elles soutiennent sont soumises au contrô1e externe de la Cour des Comptes, dont la création est obligatoire dans chaque Etat membre.
Le programme et les méthodes de travail de la Cour des Comptes ainsi que ses décisions et analyses sont établis en toute indépendance des pouvoirs exécutif et législatif.
4. La Cour des Comptes rend publics tous les rapports qu'elle transmet au Président de la République, au Parlement et au Gouvernement. Elle publie également ses décisions particulières dans au moins deux grands journaux nationaux de grande diffusion. Un suivi de ses recommandations est organisé et les résultats de ce suivi sont régulièrement portés à la connaissance du public.
5. Les responsabilités de chacun des acteurs concernés, et les modalités de contrô1e et de sanctions de leurs actes sont formellement explicitées.
6. Les comptes définitifs, contrôlés et accompagnés des rapports de contrô1e, permettent chaque année, de vérifier le respect des autorisations budgétaires ainsi que l'évolution du patrimoine des administrations publiques.
7 Les activités et les finances des administrations publiques sont soumises à un contrô1e interne.
Section VII : INFORMATION DU PUBLIC
1. L'information doit être exhaustive et porter sur le passé, le présent et l'avenir et doit couvrir l'ensemble des activités budgétaires et extrabudgétaires.
2. La publication, dans des délais appropriés, d'informations sur les finances publiques est définie comme une obligation légale de l'administration.
3. Le calendrier de diffusion des informations sur les finances publiques est annoncé au seuil de chaque année et respecté.
4. L'information régulière du public sur les grandes étapes de la procédure budgétaire, leurs enjeux économiques, sociaux et financiers est organisée dans un souci de pédagogie et d’objectivité. La presse, les partenaires sociaux et d'une façon générale tous les acteurs de la société civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu'au débat public sur la gouvernance et la gestion des finances publiques.
5. Un guide synthétique budgétaire clair et simple est diffusé, à destination du grand public, a l'occasion du budget annuel pour décomposer les grandes masses des recettes et des dépenses ainsi que leur évolution d'une année à l'autre.
6. L'ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques mentionnés dans le présent « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques » sont publiés par les institutions compétentes sur leur site internet dès qu'ils sont disponibles.
Section VIII : INTEGRITE DES ACTEURS
1. Les détenteurs de toute autorité publique, élus, membres du Gouvernement ou hauts fonctionnaires, font une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat ou de fonction. Une loi spécifique précise les conditions et le périmètre d'application de ce principe et définit les infractions et sanctions de tout enrichissement illicite.
2. Le comportement des agents de l'Etat est régi par des règles déontologiques claires et largement connues de tous. Un code de déontologie spécifique aux élus, inspire des principes du présent « Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques », est établi par le Parlement. Les règles et procédures disciplinaires de la fonction publique sont renforcées en ce qui concerne les infractions en matière de finances publiques.
3. Des sanctions, prononcées dans le respect des règles de l'Etat de droit, sont prévues à l'encontre de tous ceux qui, élus au fonctionnaires, ont géré irrégulièrement des deniers publics.
4. La non-dénonciation a la justice par un agent public qui en aurait eu connaissance de toute infraction de caractère pénal en matière de gestion des deniers publics est également sanctionnée.
5. Les procédures et les conditions d'emploi dans la fonction publique sont fixées par la loi. Nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu'aient été vérifiée préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties déontologiques qu'il présente.
Des programmes de formation adaptés entretiennent et actualisent ces compétences.
6. Les administrations financières, fiscales et douanières sont protégées par la loi de toute influence partisane. Elles veillent au respect des droits des contribuables et veillent à informer régulièrement le public sur leurs activités.
BRAZZAVILLE, le 19 Décembre 2011